A Voiron et à Bilieu pour le 8 mai

Le lundi 08 mai 2023

Il y a 78 ans, à Reims, l’Allemagne capitulait sans condition devant les représentants des armées alliées. En ayant brisé les armées hitlériennes, leurs forces ramenaient la Liberté. C’est ce que nous commémorons aujourd’hui.

Après 6 ans de combats, de sang, de deuils, d’horreur et de crimes indicibles, la paix revenait enfin en Europe. Et c’est aussi ce que nous célébrons, en n’oubliant aucune épreuve.

Commémorer le 8 mai 1945, en 2023, c’est se rappeler qu’il y a 80 ans, l’année 1943 était celle qui faisait basculer la guerre.

1943, c’est l’échec de l’armée allemande devant Stalingrad, c’est la déroute de l’Afrika Korps en Tunisie, c’est le débarquement allié en Italie et la chute de Mussolini.

1943 voit certes l’instauration du service du travail obligatoire et la création de la sombre milice, mais c’est aussi l’année de la création du Conseil national de la résistance, réunissant tous les courants de pensée et tous les partis républicains pour conforter politiquement la France combattante et préparer la France d’après-Guerre.

1943, c’est également la libération de la Corse, la constitution du Comité français de libération nationale qui donne au général de Gaulle un véritable gouvernement, et la création de la 2e division blindée qui, un an plus tard, allait libérer Paris.

1943, c’est enfin l’année où Jean Moulin, le général Delestraint et le groupe Manouchian furent les visages martyrisés de l’engagement. Mais leur sacrifice était une espérance. Comment ne pas leur associer ceux qui parmi nos voisins posaient aussi des actes qui nourriraient nos destins communs : c’est Sophie Scholl, cette étudiante allemande de la Rose Blanche, exécutée pour avoir diffusé des tracts anti-nazis ; ce sont les combattants du ghetto de Varsovie dont la révolte fut la réponse de la conscience à la barbarie.

Il y a 80 ans, notre département de l’Isère était sous l’occupation italienne, et sous le contrôle du général Castiglioni, qui marqua néanmoins l’arrêt de la déportation des juifs. Raoul Didkowski préfet de l’Isère, sera révoqué en 1943 et déporté en 1944 pour résistance et s'être opposé à la déportation des Juifs.

Sur une période d'occupation de 10 mois, la répression italienne en Isère fit un mort et cinquante-deux prisonniers, très loin de la répression sanglante allemande qui suivra dès le mois de septembre 1943 et qui marquera l’histoire.  Comme ici à Voiron, où le 22 mars 1944, en pleine nuit, probablement à la suite d’une dénonciation, des hommes de la Gestapo accompagnés de quatre miliciens français se rendent à La Martellière et déportent 18 jeunes.

A 80 ans de distance, l’année 1943 nous rappellent ainsi trois messages clefs qui résonnent avec notre actualité :

Le 1er : La liberté est l’un des biens les plus précieux dont une communauté politique peut disposer. Parfois chèrement payée, elle doit être défendue avec ferveur, constance et ténacité. Nous en ressentons à nouveau sa fragilité alors que la guerre est revenue en Europe sous les coups d’une agression illégitime de l’Ukraine par la Russie. Cela doit éclairer l’important débat démocratique qui s’ouvre cette semaine à l’Assemblée nationale autour de la prochaine loi de programmation militaire portant sur les années 2024 à 2030. En prévoyant 400 Milliards d’euros sur 7 ans, cette loi exigeante a pour vocation de garantir la défense de notre liberté dans un environnement menaçant et volatile. Son montant considérable, sans qu’il n’y ait « ni luxe, ni aise, ni confort » pour reprendre les termes du Président de la République, nous montre que la liberté a un prix. Il faut l’expliquer pour que son coût soit consenti par nos concitoyens.

Deuxième message: si la liberté est un de nos biens les plus précieux, la paix l’est tout autant. Nos anciens ont su faire la paix en 1945 et c’est en 1943 que les alliés s’accordèrent pour exiger de l’Allemagne qu’elle passe par une capitulation sans condition. Mais nous avons aussi su trouver les voies d’une réconciliation dont le projet européen est le fruit pour dépasser les antagonismes nationaux. L’idée d’une Europe solidaire et pacifique a prospéré jusqu’à l’émergence d’une Union européenne aux institutions inédites qui ont apporté paix, proximité et prospérité. En son cœur, le rapprochement franco-allemand a été le vecteur d’une sublimation des différences au service du bien commun et de la sécurité des Européens. Accoudée à l’alliance atlantique, l’Europe que nous célébrons demain, le 9 mai, a offert une paix à la durée inégalée sur le continent et une communauté de destin aux populations de 27 Etats. Là encore, la guerre en Ukraine nous en montre tout le prix.

Le dernier message est celui que nous adressent les « clochards épiques de Leclerc », pour reprendre les mots de Malraux, et les « amis qui sortent de l'ombre à la place de ceux qui tombent » pour reprendre ceux de Kessel et Druon. Le destin d’une nation tient à la résistance et à la résilience de ses membres : pas de projet collectif sans engagement individuel ; pas de communauté politique sans que les intérêts particuliers soient transcendés. Et cela dépasse les clivages partisans, philosophiques ou confessionnels. La France est un projet qui se construit tous les jours, un assentiment de chaque instant, à la portée de toutes nos différences : Honoré d’Estienne d’Orves, Guy Moquet, Pierre Brossolette, Dimitri Amilakvari ont tous démontrés qu’ils étaient fils de France et qu’ils pouvaient en dessiner l’avenir.

Alors que notre société se fracture et regarde trop souvent ce qui la divise plutôt que ce qui l’unit, commémorer le 8 mai 1945 comme les 80 ans de l’année 1943 est une invitation à renouer avec l’élan de ceux qui ont contribué à redonner à la France son estime, son rang et son destin. Au-delà des divergences d’opinions. Au-delà des désaccords politiques. C’est retrouver le sens de ce qui nous lie. C’est renouer avec les espérances de la République.

« Celui qui croyait au ciel

Celui qui n’y croyait pas

Tous les deux étaient fidèles Des lèvres du cœur des bras »

Vive la République Vive la France !