Ratification du CETA

Économie, environnementLe vendredi 26 juillet 2019

L’accord stratégique entre l’Union européenne et le Canada (CETA) a été ratifié le 23 juillet dernier.

Je souhaite préciser les raisons pour lesquelles j’ai voté cette ratification, même si cet accord n’est pas parfait :

  • Il est le premier à inclure des exigences environnementales (Accord de Paris), sociales et sanitaires, quoi qu’on en dise ;
  • Cet accord est le premier à prévoir un suivi de toutes les filières sensibles (dont la filière bovine) sur toute la période de son application ;
  • Le CETA est un accord stratégique, qui donne l’opportunité à l’Union européenne d’implanter sur une partie du continent américain ses normes sanitaires et environnementales, plus protectrices pour le consommateur et qui ne remet aucunement en cause le principe de précaution pour les consommateurs français ;
  • Et enfin parce que nous avons besoin d’un libre-échange régulé et encadré pour nous protéger des effets négatifs de la mondialisation.

 

Le CETA plus en détails 

 

Il s’agit d’un accord stratégique allant au-delà de la seule coopération économique. Deux objectifs particuliers peuvent être dégagés :

  • La volonté d’établir des règles claires, transparentes, prévisibles et mutuellement avantageuses.
  • La coopération sur les enjeux internationaux : résolution des situations de crises, plaidoyer pour la protection de l’environnement dans les instances internationales, promotion du droit international et des valeurs démocratiques.

L’accord fait également état de l’attachement du Canada et de l’Union européenne à la démocratie et aux droits fondamentaux. Cet accord est fondé sur les principes de respect mutuel, de partenariat équitable, de multilatéralisme, de consensus et de respect du droit international. Il revêt ainsi une importance stratégique particulière dans le contexte de crise du multilatéralisme et de repli américain. Pour la France, il s’agit d’un accord important pour le renforcement de nos liens avec un partenaire historique.

Depuis sa mise en œuvre provisoire le 21 septembre 2017, le CETA a eu des effets positifs pour notre économie nationale. Ceux-ci se manifestent dans différents domaines par les retombées économiques globales et sectorielles, le renforcement de la protection de l’environnement et de la santé des consommateurs et des évolutions positives en matière sociale.

Au niveau environnemental, les impacts du traité restent limités :

  • Moins de 0,01% de surplus d’émission de CO2 et baisse des émissions françaises de 0,4Mt d’équivalent CO2 en raison d’un effet de substitution de transports maritimes (UE-Canada) à des transports routiers (intra-UE) plus émetteurs.
  • Engagement des Gouvernements canadiens et français pour le strict respect de l’Accord de Paris via la signature d’un partenariat pour intensifier leurs actions de lutte contre le changement climatique.
  • Mise en place d’un Plan d’action du Gouvernement comprenant de nombreuses mesures de protection de l’environnement. La mise en place d’un « veto climatique » permettra également de protéger les mesures de protection de l’environnement des États parties dans les conflits sur l’investissement.
  • Aussi, le CETA innove avec trois chapitres ambitieux dédiés aux normes environnementales et sociales : un chapitre transverse sur le développement durable, un chapitre « commerce et travail » et enfin un chapitre « commerce et environnement ». Ils prévoient des engagements en termes de niveaux de protection élevés pour les normes environnementales et sociales et des engagements de respect des conventions internationales en la matière : accords multilatéraux sur l’environnement, conventions fondamentales de l’OIT etc.Le traité a également été complété par un engagement bilatéral sur le respect des Accords de Paris, ce qui constitue un véritable levier d’action sur la prise en compte des enjeux climatiques.
  • Le partenariat signé en 2018 entre la France et le Canada permettra d’intensifier leurs actions pour lutter contre le changement climatique et leur coopération pour promouvoir et assurer la mise en œuvre rapide de l’Accord de Paris. Cet accord comprend 9 engagements comme la réduction des émissions des secteurs du transport terrestre, maritime et aérien international, l’efficacité énergétique, la promotion des enjeux de développement durable, la réduction des émissions dans les secteurs des forêts et de l’agriculture, le développement de la finance verte.

Le traité garantit également la protection de l’agriculture locale avec 172 indications géographiques européennes protégées (dont 42 dénominations françaises).

La mise en œuvre de l’accord va conduire à une hausse des exportations agricoles, en particulier les produits agricoles transformés.

En ce qui concerne les contrôles des produits importés, la France met en œuvre une mobilisation continue et une stratégie d’influence, en phase avec les principes portés par l’OMS et l’OIE (One health), dans le cadre des négociations au sein du Codex alimentarius de façon à faire prévaloir de façon générale l’interdiction de l’utilisation des hormones de croissance ou des antibiotiques en tant que promoteur de croissance en élevage.

Au sein de l’UE, le règlement (UE) 2019/06 du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires permet, à la demande de la France, l'interdiction d'importation de viandes issues d'animaux ayant reçus des antibiotiques de croissance ou des antibiotiques critiques (article 118 du règlement, en lien avec les articles 107.2 et 35.7). Les efforts seront poursuivis pour faire valoir au niveau européen également d’autres aspects liés à nos standards de production comme le bien-être animal.

Une expérimentation est actuellement en cours en France sur étiquetage de l’origine des viandes et des produits laitiers contenus dans les plats préparés. Cette expérimentation fera l’objet d’une demande d’extension à l’UE en 2020.

Concernant le suivi de la mise en œuvre de ce traité, le Gouvernement a adopté un Plan d’action pour une mise en œuvre exemplaire de l’Accord. Ce Plan d’action prévoit notamment : 

  • la mise en place d’un groupe de travail administratif coordonné par la Direction générale du Trésor et regroupant les administrations concernées pour le suivi de la mise en œuvre de l’Accord ;
  • le suivi précis de l’allocation des contingents agricoles et la mise en place d’un dispositif spécifique de suivi en continu des volumes d’importation de produits agricoles sensibles, en particulier le bœuf, le porc et l’éthanol ;
  • un suivi constant pour une application effective de la traçabilité visant à garantir le respect des conditions à l'importation en Union européenne ;
  • la réalisation d’un suivi continu, quantitatif et qualitatif de tous les accords commerciaux, filière par filière et région par région par 9 comités spécialisés qui se réunissent depuis le printemps 2018.

Depuis sa mise en œuvre provisoire en 2017, le groupe de travail administratif de suivi a constaté les éléments suivants :

  • Aucun territoire ou filière n’a subi de conséquences négatives liées au CETA.
  • Le marché européen n’a pas été déstabilisé, nos règles sanitaires ont été pleinement préservées.

A la demande de la Présidente de la commission des affaires étrangères, Marielle de Sarnez, une étude d’impact rigoureuse et fiable a été réalisée par un organe indépendant. Pour la première fois, le Parlement français dispose donc d’une étude scientifique indépendante spécifique à la France et multisectorielle. Le Gouvernement s’est engagé à en faire la norme pour tous les accords commerciaux.

Par ailleurs, des mesures de transparence ont été prises avec la publication des ordres du jour des différents comités de suivi.

Il convient également que les futurs accords commerciaux demeurent mixtes, c’est-à-dire, ratifiés à la fois au niveau du parlement européen et des parlements nationaux, afin que ces derniers gardent leur pleine souveraineté. Pour ce faire, la Présidente de la commission des affaires étrangères s’est engagée à ce que le Gouvernement fasse valoir cette exigence auprès de la nouvelle Commission européenne.

A titre subsidiaire, l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) rendu le 30 avril 2019, confirme la compatibilité avec le droit de l’Union européenne du mécanisme de règlement des différends relatifs à un investissement.

Ce traité, je le crois, permet de faire évoluer le libre échange vers l’échange juste et l’échange durable.

Pour ces raisons, j’ai voté pour la ratification de cet accord pour lequel nous avons obtenu des garanties et l’intégration de clauses de sauvegarde.