Ces dernières semaines, j’ai été interrogée à plusieurs reprises sur la décision de ne pas inscrire dans la loi l’engagement présidentiel portant sur l’interdiction du glyphosate dans les trois ans.
Si la mutation de notre modèle agricole et la transition écologique nécessitent encore du temps et du travail pour aboutir, je souhaite d’ores et déjà dresser un premier bilan d’étape sur les avancées significatives portées par le Gouvernement depuis juin 2017 sur cette question.
En novembre 2017, une prolongation de 5 ans de l’autorisation de commercialisation du glyphosate a été votée par une majorité d’États-membres de l’Union européenne.
Dix-huit pays ont ainsi voté en faveur de la proposition de la Commission européenne de prolonger l’autorisation de commercialisation de cette substance, initialement de 10 ans, de 5 années supplémentaires, dont l’Allemagne, la Bulgarie, le Danemark ou encore l’Espagne.
Neuf pays s’y sont quant à eux opposés, dont la France, qui soutenait la proposition de renouveler l’autorisation de cette substance pour 3 ans seulement.
Dans la continuité de la position défendue par la France au niveau européen, le Président de la République annonçait, le 27 novembre 2017, avoir demandé au Gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour interdire ce principe actif en France dès que des alternatives auront été trouvée et au plus tard dans les trois ans.
Suite à cette annonce, le Gouvernement s’est attaché, depuis lors, à accompagner les acteurs concernés dans le but de trouver des alternatives à l’utilisation du glyphosate pour que l’objectif présidentiel soit tenu.
Le rapport de l’INRA, remis en décembre 2017 au Gouvernement, démontre d’ailleurs que de nombreuses alternatives au glyphosate sont déjà disponibles dans le cadre de l’agro-écologie, notamment dans les grandes cultures, la viticulture et l’arboriculture qui sont les filières les plus consommatrices de glyphosate.
Le 22 juin 2018, le Ministre de la Transition écologique et solidaire et le Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation ont réuni des représentants du monde agricole, de l’agro-alimentaire et de la distribution, ainsi que les acteurs de la recherche et de l’innovation pour s’engager dans la sortie définitive du glyphosate.
Les ministres ont rappelé le cadre du plan d’action global pour la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires avec un objectif de -25 % en 2020 et -50 % en 2025, et la décision du Gouvernement de mettre fin aux principaux usages du glyphosate d’ici trois ans au plus tard et d’ici cinq ans pour l’ensemble des usages, tout en précisant que les agriculteurs ne seraient pas laissés dans une impasse.
Pour permettre la pleine mobilisation des filières et un suivi en toute transparence par les parlementaires et les citoyens des progrès accomplis vers la sortie du glyphosate, les ministres ont annoncé :
- La création d’un centre de ressource d’ici la fin de l’année 2018 pour rendre accessible à l’ensemble de la profession agricole les solutions existantes pour sortir du glyphosate.
- Le renforcement des actions d’accompagnement dans le cadre du programme Ecophyto pour diffuser les solutions et trouver de nouvelles alternatives pour les usages pour lesquels il demeurerait des impasses.
- La mobilisation des réseaux territoriaux des chambres d’agriculture, et de l’enseignement agricole pour faire connaître et promouvoir les alternatives au glyphosate sur l’ensemble des territoires avec l’appui des CIVAM et des coopératives agricoles.
- Le suivi des quantités vendues et utilisées des produits contenant du glyphosate afin de faire toute la transparence sur les usages en publiant régulièrement les données et en les mettant à disposition du public.
- La valorisation de ce travail au niveau européen avec les pays volontaires pour s’engager comme la France dans une sortie rapide du glyphosate.
L’animation et le suivi de ce plan d’action sont confiés à une « task force » pilotée par les deux ministères, avec l’appui de l’INRA, de l’ACTA et de l’APCA. Cette équipe rendra compte des actions engagées et des progrès accomplis tous les trois mois aux ministres et aux parlementaires.
A l’Assemblée nationale, la mission sur le suivi stratégique de sortie du glyphosate a tenu sa première réunion constitutive le 27 septembre 2018.
Par conséquent, au vu des engagements de la France au niveau européen, du Président de la République et du Gouvernement sur cette question, et de la nécessité pour le Parlement de lutter contre l’inflation normative causée notamment par la surtransposition des normes européennes, il n’apparaissait donc pas utile d’inscrire dans la loi l’objectif de sortie du glyphosate dans les trois ans pour que celui-ci soit effectivement atteint.
Dans le même sens, il paraissait également impossible de revendiquer à la fois la confiance placée dans les agriculteurs et l’interdiction du recours au glyphosate dans la loi. La dynamique d’évolution des esprits et des pratiques en cours dans le monde agricole étant très forte, les parlementaires ont pris le parti de faire confiance aux professionnels, en privilégiant l’accompagnement à la coercition.
Au demeurant, les filières s’organisent d’ores et déjà pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires sur les parcelles cultivées. Pour exemple, le Comité interprofessionnel de la Noix de Grenoble (CING) a présenté mercredi 20 juin 2018, un guide des bonnes pratiques à l’attention des nuciculteurs visant à promouvoir une agriculture modérée en devançant les futures réglementations en matière de limitation des intrants.
Quoi qu’il en soit, ce texte a suscité de fortes attentes, en particulier chez nos agriculteurs. C’est pourquoi il était important de les convaincre de son bien-fondé, tout en les accompagnant dans l’évolution de leurs pratiques.
Sur le fond, je suis favorable à une interdiction du glyphosate la plus rapide possible. Je crois en la promesse présidentielle et j’estime que le délai de 3 ans laissera le temps nécessaire pour diriger les modèles agricoles vers des pratiques respectueuses de l’environnement.
Le Ministre de l'Agriculture a d’ailleurs rappelé à maintes reprises, lors de son déplacement à la MFR de Chatte le 19 octobre 2018, que ce délai sera tenu.
En définitive, la question de la mue de notre agriculture n’étant pas circonscrite à celle de l’interdiction du glyphosate seule ou de certains produits spécifiquement désignés, il est nécessaire de l’aborder de manière globale, en confortant d’une part les professionnels d’un secteur fragilisé par de multiples crises, et d’autre part en accompagnant la transition vers des modèles d’avenir et durables.