Désolidarisation de l’Allocation pour Adultes Handicapés (AAH)

Le jeudi 01 juillet 2021

J’ai été interpellée par un certain nombre d’isérois au sujet de la désolidarisation de l'Allocation pour Adultes Handicapés (AAH) pour les personnes en couple.


Depuis le début de la législature, le groupe Démocrates et apparentés à l’Assemblée nationale, auquel j’appartiens, s'est opposé au principe de la prise en compte du revenu du conjoint dans le calcul de l'AAH.


Toutefois, il convient de rappeler que l’AAH est une prestation sociale qui assure un plancher de ressources, sans logique compensatoire, afin d’assurer des conditions de vie dignes aux personnes en situation de handicap dont les ressources sont les plus faibles. Elle constitue un minima social, visant à garantir un minimum pour vivre, en complément d’autres sources de revenu éventuelles. Aussi, depuis novembre 2019, l’AAH s’élève à 902,70€/mois contre 810€/mois auparavant. Cela représente une augmentation de pouvoir d’achat de 12% pour les 1,2 million de personnes bénéficiaires.


L’AAH répond à une logique de solidarité familiale et s’articule ainsi avec la solidarité conjugale. C’est là un principe de base de notre modèle social et de solidarité nationale, dans lequel la priorité est donnée à la mobilisation familiale des ressources. Comme toute allocation, l’AAH est « familialisée » et « différentielle » et augmente en fonction de la taille du foyer dont est issu le bénéficiaire. La désolidarisation de l’AAH reviendrait donc à remettre en question l’ensemble de notre système socio-fiscal, fondé sur la solidarité familiale, conjugale et nationale.


Aussi, la désolidarisation de l’AAH constituerait une rupture des principes de la société inclusive, en ce qu’elle ferait sortir les personnes en situation de handicap du droit commun.


En outre, des mécanismes cumulatifs et d’abattements existent et sont nettement supérieurs à toutes les autres allocations, que ce soit concernant les revenus du bénéficiaire ou de son conjoint. Par exemple, la disposition dite « base ressources » est réduite aux seules ressources imposables à l'impôt sur le revenu, ou encore, un mécanisme d’abattement de 20 % dans la prise en compte des revenus du conjoint permet de limiter la charge fiscale du foyer. L’objectif est de rendre plus favorable le cumul d’un emploi et de l’AAH pour le bénéficiaire.


L’AAH entre donc pleinement dans une logique solidariste et non pas dans une logique d'indemnisation individualisée, ou d’une compensation financière. C’est le rôle de la prestation compensatoire du handicap (PCH), créée en 2005, pour favoriser l’autonomie des personnes en situation de handicap. En effet, un tiers des personnes qui touchent l’AAH peut prétendre, en moyenne, à 500€ supplémentaires avec la PCH.


Proposer la déconjugalisation de l’AAH, comme cela a été fait dans le cadre de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, débattue le 17 juin à l’Assemblée nationale, part donc d’une intention en apparence louable : permettre aux adultes handicapés qui ne la touchent pas en raison de leur situation matrimoniale d’en bénéficier. Cependant, dans sa rédaction initiale, cette proposition créait certes des gagnants mais aussi beaucoup de perdants.


Tout le combat de la majorité depuis 4 ans, c’est de permettre aux personnes en situation de handicap de travailler, d’aller à l’école, à l’université, d’être en formation afin qu’ils aient une vie sociale et professionnelle la plus épanouie.


Or, certaines de ces personnes qui travaillent et dont le conjoint est sans emploi ou à faible revenus seraient impactées négativement par la déconjugalisation de l’AAH. Cette mesure baisserait ou supprimerait les aides pour plus de 45.000 personnes.


A une réforme qui aurait créé des gagnants au détriment de perdants, nous avons préféré une réforme qui bénéficie à tous. C’est le sens du texte tel que voté le 17 juin dernier : l’augmentation du plafond de revenus adoptée permettra à 60% des ménages dont le bénéficiaire est inactif de percevoir l’AAH à taux plein, contre 45% ce jour, soit un gain moyen de 110 euros par mois au bénéfice de 120.000 foyers, sans léser personne.
La conjugalisation des aides sociales est au cœur du modèle actuel de notre solidarité nationale. Personnellement, je regrette les tentatives d’instrumentalisation des politiques publiques de soutien aux personnes en situation de handicap, qui méritent des débats constructifs.